Contrôle URSSAF : jusqu’où peut aller l’expert-comptable ?
La Cour d’appel de Pau a apporté une précision importante sur le rôle de l’expert-comptable lors d’un contrôle URSSAF : l’URSSAF ne peut pas traiter directement avec le cabinet comptable sans mandat valable du cotisant, même si l’expert-comptable a assisté au contrôle sur place (Cour d’appel de Pau, chambre sociale, 30 octobre 2025, n° 23/02444).
1. Le contexte : un contrôle qui se poursuit par mails avec l’expert-comptable
Après un contrôle sur place, l’inspecteur URSSAF avait échangé directement par mails avec une salariée du cabinet d’expertise comptable de l’entreprise, pour obtenir des documents et précisions complémentaires.
La Cour relève que :
- l’URSSAF ne produit aucun mandat donné par l’entreprise à son expert-comptable pour la représenter dans le cadre du contrôle,
- la seule présence de la salariée du cabinet lors des opérations sur place ne suffit pas à établir l’existence d’un tel mandat.
Dans ce contexte, la Cour s’inscrit dans une jurisprudence constante : le droit pour l’employeur d’être assisté par un conseil (art. R. 243-59 CSS) ne permet pas à l’URSSAF de contourner le cotisant et de s’adresser directement à un tiers, même s’il s’agit de l’expert-comptable.
2. La loi PACTE n’a pas créé un mandat général pour les contrôles URSSAF
L’URSSAF soutenait que la loi PACTE du 22 mai 2019 aurait changé la donne en instituant un mandat tacite entre l’entreprise et son expert-comptable.
La Cour d’appel de Pau rejette cette analyse :
- L’article 37 de la loi PACTE renvoie aux missions visées à l’article 2 de l’ordonnance de 1945,
- Or, cet article ne mentionne pas l’assistance à contrôle URSSAF,
- Le décret du 19 novembre 2019 (art. 14) limite le mandat implicite à des démarches déterminées (notamment, tiers déclarant, formalités déclaratives), et ne vise pas les opérations de contrôle.
Conclusion de la Cour : Il peut exister un mandat tacite pour certaines démarches déclaratives, mais pas pour l’assistance à contrôle URSSAF.
Sans mandat exprès, l’interlocuteur de l’URSSAF reste donc l’employeur, et non son expert-comptable.
3. Et les contrôles “délocalisés” chez l’expert-comptable ?
En pratique, l’URSSAF propose de plus en plus souvent que le contrôle se déroule dans les locaux de l’expert-comptable. Cette pratique est encouragée par la charte du cotisant contrôlé.
Cette facilité pose toutefois plusieurs questions :
- Le Code de la sécurité sociale prévoit qu’un contrôle sur place se déroule dans les locaux de l’entreprise ou sur le lieu de l’activité professionnelle.
- Les règles de sécurité sociale sont d’ordre public : les parties ne peuvent pas y déroger par contrat au seul bénéfice de l’URSSAF.
- Les pouvoirs de contrôle prévus à l’article R. 243-59 CSS sont d’application stricte : ils ne peuvent être étendus par le jeu d’un mandat ou d’un accord amiable.
D’où un doute sérieux : même en présence d’un mandat écrit permettant un contrôle chez l’expert-comptable, on peut soutenir que ce mandat ne peut pas remettre en cause les garanties légales du cotisant.
4. Ce qu’il faut retenir pour les entreprises et les experts-comptables
- L’URSSAF ne peut pas s’adresser librement au cabinet d’expertise comptable sans mandat clair et adapté.
- La loi PACTE n’a pas instauré de mandat implicite général pour les contrôles URSSAF.
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Les contrôles “délocalisés” chez l’expert-comptable doivent être abordés avec prudence :
- analyser attentivement tout mandat proposé,
- veiller à ce que les droits du cotisant pendant le contrôle soient pleinement respectés.
Cet arrêt de la Cour d’appel de Pau renforce ainsi la protection des entreprises et rappelle le cadre juridique strict des pouvoirs de contrôle de l’URSSAF.